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ACHEMENET
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L'empire perse achéménide
du Bosphore à l'Indus
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sites archéologiques > Berel' > problèmes historiques

Berel' : problèmes historiques

À plus de 2 000 km de la Bactriane et de la Sogdiane, il est remarquable de retrouver si nets les emprunts à l'art perse achéménide. Ceci est d'autant plus étonnant que la date de Berel' est postérieure de quelques décennies à la chute de l'empire. Une telle familiarité, dans une région où le lion est absent de la faune, et où domine largement l'image du griffon-rapace dans toutes les tombes, pose de manière exemplaire la question de l'adoption des thèmes et motifs achéménides par les Scythes de l'Altaï. Certes, leur valeur ornementale et esthétique est incontestable, dans l'Altaï comme sur les murs des palais et dans l'orfèvrerie noble de l'empire perse, où l'art, même héroïque et narratif, reste figuratif. Mais il n'en demeure pas moins vrai que, pour les princes de l'Altaï, ces thèmes et motifs ont été l'objet d'un choix délibéré parmi un répertoire iconographique perse beaucoup plus vaste, que ces thèmes ont été ensuite été intégrés dans un univers artistique particulier possédant ses lois propres, iconographiques et stylistiques, et qu'enfin ils sont passés de la fonction de thèmes d'art aulique à celle d'ornements pour chevaux déguisés symboliquement en montures sauvages et psychopompes. Le meilleur exemple en est un ornement de tête de Pazyryk 1, où le cheval, au lieu d'être déguisé en cerf ou en bouquetin, comme ses congénères, est transformé par un lion cornu et ailé, des joues au sommet du crâne. Cette transmission suppose d'abord des routes que nous pouvons tracer, par la Bactriane et la Chorasmie par exemple, mais aussi des mécanismes sociaux touchant les élites nomades. Ainsi à Issyk, près d'Almaty au Kazakhstan, la riche sépulture intacte, dite "de l'homme d'or", offre un excel-lent jalon, car on y a trouvé de l'argenterie achéménide à côté d'orfèvrerie scythe, parfois inspirée par la Sibérie. Dans l'Altaï, seules les tombes princières présentent des rapports avec la Perse. Parmi les dizaines de tombes plus modestes fouillées depuis des années, les ornements corporels et les harnachements sont tous de type local, et la panthère (ou léopard des neiges), le loup et l'ubiquiste griffon-rapace y sont les prédateurs principaux, qui trouvent leurs modèles dans la faune de la région. Naturellement, on peut songer à des échanges de dons, mais aussi des prises faites à l'occasion de voyages, de raids ou de participation à des campagnes militaires au sein de l'empire.

ROLE DES ARISTOCRATIES

C'est pourquoi il est possible d'envisager que les aristocrates scythes de l'Altaï, par qui passait le flux des contacts avec l'empire perse, ont pu par exemple assimiler un monstre moyen-oriental comme le lion cornu, non pas comme une incarnation du mal, mais comme un nouveau prédateur venant s'ajouter au fonds local, un équivalent du griffon-rapace, du tigre, du loup, de l'ours, du léopard ou même du vieux dragon issu des stèles de l'âge du bronze de la culture d'Okunevo. Nous sommes donc loin des duels héroïques et des chasses royales aux fauves de l'art aulique de la Perse. Chez les Scythes, la chasse que l'on représente est seulement celle du vrai gibier, jusqu'au lièvre, et le prédateur, lui aussi, est un chasseur. Nous pouvons donc peut-être considérer que le prédateur n'est plus ici l'ennemi à combattre comme dans le monde dualiste perse. Dans les cultures centrasiatiques de type chamanique, mieux comprises aujourd'hui, le monde surnaturel est omniprésent, et le prédateur, quelle que soit sa forme, fait partie d'un univers continu où les échanges cycliques entre nature et monde surnaturel, entre vie et mort, sont permanents. D'un autre côté, l'appropriation des griffons et lions cornus par l'aristocratie achéménide dans l'art mobilier, la vaisselle ou la bijouterie, y compris en Bactriane, procède d'une autre démarche, qui semble plus distanciée, faisant appel à d'autres supports, répondant à d'autres fonctions sociales. Les féroces prédateurs plaqués sur les chevaux ou tatoués sur les corps des hommes de l'Altaï, même si leur aspect est en partie perse, ne sont pas un simple décalque barbare des modèles des arts achéménides, ni monumentaux, ni mobiliers. Les codes artistiques et sociaux qui règlent l'ordonnancement des parures de l'Altaï sont puissants et font régner leurs propres lois, celles du monde des arts dits "premiers", sur les emprunts faits hardiment à la Perse.

Henri-Paul Francfort (CNRS)
 
Félin
Clou représentant un griffon
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